À la suite de l’affaire Orpea, Clariane, ex-Korian, a changé de nom et de stratégie. Le géant européen, qui dispose de 270 Ehpad privés à but lucratif en France, propose des outils à la carte centrés sur les besoins du patient. Reportage dans un établissement pilote, Les Terrasses du XXe, à Paris.

L’Ehpad utilise SilverFit, outil numérique qui favorise l'activité physique, la stimulation cognitive et le lien social
L’Ehpad utilise SilverFit, outil numérique qui favorise l'activité physique, la stimulation cognitive et le lien social
Crédit photo : Guillaume Leblanc

Rassurer, rassurer, rassurer. C’est l’une des missions de Marie Ponsonnet, directrice des Terrasses du XXe, un Ehpad parisien du groupe privé Clariane, ex-Korian jusqu’à l’été 2023. Plus de deux ans après le scandale Orpea, le secteur lucratif des maisons de retraite médicalisées a bien du mal à se remettre sur les rails. La confiance est érodée. Alors, Marie Ponsonnet le répète : « Ici, c’est comme à la maison ».

De fait, le groupe – devenu entreprise à mission – a remodelé sa politique de prise en charge des personnes âgées dépendantes pour miser sur l’approche individualisée. Entièrement rénové, l’établissement Les Terrasses du XXe arrondissement illustre cette stratégie autour du Positive Care. L’Ehpad abrite de « petites unités de vie pouvant accueillir chacune une douzaine de résidents, explique Marie Ponsonnet. Cette particularité confère à la résidence une dimension familiale et conviviale. » Soixante-douze places sont prévues.

 

Terrasses végétalisées

La structure propose une salle de vie, une cuisine ouverte et un suivi qui se veut au plus près du malade. L’attractivité du lieu repose sur ses terrasses, accessibles facilement depuis chaque unité de vie. Il s’agit d’espaces végétalisés sur une grande surface, agrémentés de chaises et de tables pour que les résidents puissent se reposer et recevoir leurs familles.

Autre élément qui illustre cette démarche personnalisée au maximum, la nutrition. Dans la cuisine ouverte, à chaque repas, un plat collectif est placé au milieu de la table. Mais aucune obligation de manger avec les autres résidents. Chacun est libre de choisir son créneau, dans les limites du cadre de la collectivité. Par exemple, il n’a pas été possible pour une résidente de dîner à 22 heures 30… La Dr Fariba Kabirian, directrice médicale du groupe français, explique l’intérêt de cette souplesse. « Prenons l’exemple d’une personne désorientée qui souffre de troubles cognitifs. On ne va pas l’obliger à s’asseoir à la table commune car il est possible qu’elle n’adopte pas un comportement adapté, qu’elle joue avec le sel, le poivre, etc. On va donc préférer lui préparer des petites bouchées gourmandes éparpillées dans la pièce qui lui éviteront de s’asseoir. Elle sera avec les autres sans que ce soit une gêne pour elle. »

Le numérique se substitue aux psychotropes

Pr Antoine Piau, directeur médical, éthique et innovation en santé

Les soins se pensent aussi au plus proche du résident. Selon la Dr Audrey Algard, médecin coordinatrice, « l’objectif est que le praticien ait plus d’échanges avec les familles sur les diagnostics du résident, souvent en perte de repères après avoir dû quitter son domicile ». Une fois les besoins de la personne âgée identifiés, des outils digitaux sont proposés. « Le numérique se substitue aux psychotropes », avance même le Pr Antoine Piau, gériatre et directeur médical du groupe. Cela se concrétise soit par le jeu, soit par des interventions non médicamenteuses (INM). « Ce sont des thérapies individualisées et personnalisées, insiste la Dr Algard. Nous nous interrogeons de manière pluridisciplinaire pour savoir si ces INM correspondent aux besoins du résident. C’est une vraie démarche clinique médicale. »

Plusieurs innovations digitales complètent ainsi l’offre de soins : SilverFit est un outil numérique interactif équipé d’une caméra 3D qui détecte les mouvements, utilisé pour travailler l’équilibre et le bien-être de la personne par le jeu collectif. Le concept Snoezelen prévoit un espace aménagé avec lumière tamisée et musique douce afin de réduire l’anxiété.

Former les soignants

Ces outils sont-ils faciles à prendre en main ? Cela dépend de la formation des soignants, concède Marie Ponsonnet. Autrement dit, il faut veiller aux couacs de communication. C’est notamment le rôle du médecin coordonnateur d’établir des liens. Souci, comme dans nombre d’Ehpad, un établissement Clariane sur cinq ne dispose pas de ces praticiens – pour beaucoup gériatres ou généralistes.

Sur le fond, le groupe privé d’Ehpad ne s’est pas encore remis du scandale Orpea, dans la foulée du livre enquête de Victor Castanet mettant en lumière des maltraitances systémiques ayant court à l’encontre des personnes âgées. Selon le Sénat, qui vient de lancer une consultation publique sur le sujet, le taux d’occupation des chambres est passé de 93 % en 2019 à 88 % en 2023. En cause : le virage domiciliaire, certes, mais aussi la crise de confiance des résidents et de leurs proches envers les établissements commerciaux et les difficultés de recrutement de personnel. Pour l'exercice 2023, le groupe Clariane a présenté un chiffre d'affaires en hausse mais une perte nette de 63 millions d'euros.

Lien : https://www.lequotidiendumedecin.fr/sante-societe/politique-de-sante/ici-cest-comme-la-maison-comment-korian-devient-clariane